Histoire de BS

Cette page consacrée à l'histoire de Bou Saada comprend les articles suivants:

  • Notice sur BS (Baron Aucapitaine Salvador)
  • Petit historique de la ville (Souâd KHODJA)
  • La cala'a des Beni Hammad par l'historien arabe El Bekri (11ème siècle)
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Mercredi 6 février 2008

Un autre historique de la ville de Bou Saada: Ce n'est qu'un regard parmi tant d'autres qu'on n'est pas obligé de lire au de pied de la lettre






Notice sur Bou Saada (Province de Constantine}


Baron Aucapitaine Salvador (Revue Africaine Vol.6, 1862)



Un certain Bel Ouacha, homme de grande tente de la tribu des Bedarna, occupait depuis longtemps les immenses terrains qui s'étendent du H'odna méridional jusqu'aux montagnes des Oulad Nail, lorsque vers le VIème siècle de l'hégire, un Chérif, nommé Sliman ben Rabia, originaire du Saguia-t-el-Hamra, en Moghreb el Aksa(1), vint camper aux pieds du Djebel M'saada, à Ayoun ed-Defla (2).Peu de temps après, il fut rejoint par un taleb vénérable qui avait fait de savantes études dans les Zaouïa et les Medressa de Fez. Sidi Thameur, ainsi s'appelait ce lettré, s'arrêta près des pierres taillées, vestiges d'anciennes constructions nazaréennes.
Le Mogrébin, séduit par l'abondance de la rivière et la limpidité de la fontaine, chassa les chacals qui demeuraient dans les roseaux et aidé par les gens de Sidi Sliman, il pétrit des briques, se construisit une maison, puis s'adonna à la contemplation et à l'étude des livres. Quelques nomades des Oulad Nail et des Oulad Mahdi visitèrent ce saint homme, dont la réputation de science et de justice ne tarda pas à s'étendre jusqu'à M'sila et au-delà. Des jeunes gens, avides de profiter du savoir de Si Thameur, se réunirent autour de lui et leurs habitations formèrent le noyau d'une ville. Les terrains furent achetés aux Bedarna (3) qui cédèrent tous leurs droits moyennant quarante-cinq chameaux et quarante-cinq chamelles. Au moment où se terminait la mosquée, Sidi Sliman et Sidi Thameur






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Notes

(i) La Rigole rouge, grande ligne de fond qui est considérée comme la limite méridionale du Maroc.

(2) Les fontaines des Lauriers Roses

(3) Cette tribu fut plus tard entièrement massacrée par les Oulad Sekrour. Les Bedarna sont une tribu de Soleïm, venue d'Egypte en Moghreb, lors de la deuxième invasion arabe, et qui s'établit d'abord dans les environs de Tripoli, puis dans l'lfrikia. Au temps de Ben Khaldoun, ces nomades habitaient avec les autres tribus Soleïmites les environs de Gabès, entre El-Djem et Mobarka. Les Ouled Sekrour sont des Athbedj - de la famille des Eïad. - établis comme les autres branches de la tribu d'Eiad dans les montagnes de la Kalaa (VllIème siècle de l'hégire), ils descendirent dans le H'odna où ils firent une terrible boucherie des Bédarna



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devisaient ensemble sur le nom à donner à la cité naissante; ils étaient encore indécis, lorsqu'une négresse vint à passer et appela sa chienne... Saâda .. Saâda !... (Heureuse !... heureuse !.,.); ce mot leur parut d'un bon augure et, d'un commun accord, ils l'appelèrent Bou Saada : Père du Bonheur. L'oued Ben Ouas changea son nom contre celui de la ville nouvelle. Plusieurs autres familles, notamment celle de Sidi Atya, originaire du Maroc, quelques-unes des Oulad Bou-Khaltan de M'sila, vinrent se joindre aux premiers. Sidi Azouz, père de la fraction de Zérom vint de d’Agh'rouat EI-Kressen des Oulad Sidi Cheikh (d'autres m'ont assuré des environs de Tiaret), peu de temps avant la mort de Si Thameur. Il y a deux cents ans, les Mohamin, fils de Mimoun des Oulad Amer (1), venus dans les anciens temps du Sah'ara, quittèrent El H'adjfra, localité près de Témacin, entre Ouargla et Tougourt : ils construisirent la plus grande partie de la ville basse et forment aujourd'hui le quartier le plus important de Bou Saada. Les autres fractions de la ville (les Oulad Si Harkath, les Achacha, les Oulad-Atik ) descendent de Sidi Thameur, dont on montre encore aujourd'hui la demeure auprès de la mosquée dite du palmier. Les Chorfa ont Si Sliman pour père.

L'Oasis et le K'sar de Bou Saada sont situés, sous le 35°13' de latitude et 1°O5' de longitude orientale, entre la limite Sud du H'odna- une des plaines les plus fertiles de l'Algérie- et les confins des Oulad Nail. L'Oasis est entourée au Nord et à l'Est par de larges dunes de sables, au Sud par le Djebel M'sad et à l'Ouest par le

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Notes

(1) Les Oulad Amer sont une branche de la tribu d'Athbej qui, au temps de la fondation du royaume Hafside, s'établit dans les villages du Zab ou du H'odna - ou peut-être encore une branche plus ancienne de ces Zenata qui, chassés jadis du désert par les Arabes des plaines, s'établirent à demeure dans les villages de l'Oued Rir' ?

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djebel Kerdada, d'une altitude d'environ 15O m au-dessus de la rivière (l). L'Oued Bou Saada appelé parfois dans sa partie supérieure Oued R’mel ou la rivière de sable, sépare la ville des jardins de palmiers adossés à la montagne. Ses crues ont une force effroyable à laquelle rien ne peut résister; et après les grandes pluies d'orage, comme il en fait parfois dans le Sud, cette rivière charrie d'énormes blocs de rochers, arrachant les barrages et tout ce qui peut obstruer son cours impétueux La ville, si toutefois on peut lui donner ce nom, est composée d'un millier de maisons bâties en briques séchées au soleil (Toub); elle présente le cachet particulier aux bourgades du désert : des masures de boue entassées les unes sur les autres en dépit de toute architecture et présentant à chaque pas des phénomènes alarmants d'équilibre, çà et là des passages étroits, des ruelles couvertes, bizarrement enchevêtrées et au sol inégal. Ces maisons quelquefois étayées par des troncs de palmier sont cependant mieux aménagées intérieurement qu'on ne le pourrait supposer. Un jour de pluie, une heure de soleil, et les bourgades sahariennes auraient le sort de la gigantesque Babylone, elles deviendraient des monticules de poussière. La partie haute de la ville repose sur des blocs taillés, vestiges d'un de ces postes que les Romains avaient établis sur la lisière du Sahara pour ravitailler leurs colonnes lointaines (2).

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Notes

(1) La hauteur moyenne du K'sar au-dessus de la mer est de 650 mètres.

(2) 1l résulte d'un mémoire de M. Berbrugger publié dans la Revue Africaine (Tome 2 p, 276) que la domination romaine a laissé peu de traces dans le Sahara Algérien. Cette région fut d'ailleurs abandonnée aux nomades lors de la grande révolte de 297 imparfaitement réprimée par Maximien et à laquelle on doit rattacher les ruines d'Auzia et des autres postes des hauts plateaux. Bou Saada qui n'a pas de synonyme antique dans les auteurs n'a donc pu être qu'un poste très avancé et de peu de durée. Les nomades qui ont toujours habité ces pays rendent improbable l'hypothèse qui m'a été communiquée que ce pouvait être une construction élevée pour un chef indigène. Les ruines romaines les plus rapprochées sont celles de Bechilga, l'ancienne Zabi (voyez Revue Africaine T. 11. p. 824 et 416) et des vestiges douteux à Tarmount (le Dar Mouna de certaines cartes), chez les Oulad Djellal

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La ville est divisée en quartiers correspondant aux principales fractions. Un grand nombre d'écrivains ont fait remarquer cette singularité, particulière aux bourgades sahariennes: divisions en tribus d'origine souvent différentes et toujours ennemies (1) ; les quartiers d’une même ville sont en guerre les uns avec les autres et les hostilités permanentes car la paix n'est souvent qu'un moyen pour préparer la vengeance des vaincus de la dernière lutte; des portes, des barricades, des maisons à étages crénelées défendent l'approche de ces quartiers, enceints par la même muraille que, d’un commun accord, défendront les ennemis de la veille contre toute attaque du dehors. Des rivalités de fractions, de familles même, arment ces populations qu'un sort commun destine à vivre à l'ombrage des mêmes palmiers, à s'abreuver aux mêmes fontaines. Parfois, une trêve , née de besoins matériels a réuni à certains jours, les combattants sur le marché où les transactions ont lieu, de même que si le sang n'avait pas coulé la veille et comme si on ne devait pas recommencer le lendemain. Tel est le tableau adouci que présentaient souvent, trop souvent ! les K'sour sahariens, avant la domination ou l'influence française, Cet état de choses suffirait à lui seul pour expliquer la dépopulation ou la ruine de beaucoup de ces cités du désert que Ben Khaldoun et les autres analystes arabes nous ont dépeint sous un aspect si florissant (2). Nous avons signalé l'analogie présentée par ces rivalités des K'sour Sah'ariens avec les Sofs KabiIes du Tell (3) Ces ressemblances ne sont du reste pas les seules; et la race berbère, qui étend ses rameaux au Nord et au Sud de l'Algérie, offre parfois, dans ces régions opposées, de curieux parallèles, soit dans les moeurs, soit dans les institutions (4).

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Notes

(1) Nous citerons par exemple, R'damès, Touggourt, EI-Ar'ouat et Fez.

(2) A ces causes politiques se joignent évidemment le dessèchement des puits, qui dans certaines localités, força les populations à abandonner leurs villages et leurs palmiers. Nous renvoyons au très curieux travail de M. Berbrogger sur les puits artésiens: l'auteur y a soigneusement décrit les remarquables phénomènes du tarissement et du forage.

(3) Voyez notre Etude sur les pays et la Société Kabile, p. 11 et 14.

(4) Les Époques militaires de la Grande Kabili, publiées au commencement de 1857, peuvent être consultées utilement sur ce sujet. Revue .Africaine 6ème année, n° 31. N. de la R.

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Voici les noms des fractions qui composaient les Hal Bou-Saada:



Mohamin, Oulad Zerom, Oulad Hameida, Chorfa, Oulad si Harkat, Oulad Atik. Les gens d’El Alleug forment une septième fraction (1).

Les Israélites, très nombreux dans la ville, sont administrés par un rabbin qui leur rend la justice. Là comme partout, la population juive se livre exclusivement au trafic (commerce) ; le plus grand nombre exerce la profession d'orfèvre ; on les voit constamment accroupis dans de petites boutiques enfumées, semblables à des antres ; et, comme les alchimistes du moyen âge, soufflant dans leurs chalumeaux, pour entretenir de mystérieux alliages. Dans le Sah'ara les Israélites sont moins méprisés que dans les villes du Tel et particulièrement à Bou Saada, où quelques-uns portèrent les armes ; ils vont même jusqu'à citer orgueilleusement un certain Ben Ziri, qui se distingua en brûlant la poudre. Cette tolérance tient au caractère sédentaire des habitants des K'sour, et à l'esprit de lucre commun à tous les

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Notes

(1) Voici ce que racontent les gens de ce village, qui parait fort ancien: Longtemps avant que les Bédarna ne s'emparassent du pays, un homme venu de l'Est fonda le village de Haouche EI-Merkassi dont les ruines sont connues sous le nom de Dechera-t-N'çara ; il fut chassé par les Bedarna, et alla fonder un nouveau village El-Alleg (le Lierre). Aujourd'hui, les habitants attribuent les ruines du haouche EI-Merkassi aux Romains; si on se reporte à ce nom de Dechera-t-N'çara, on doit supposer quelque fait curieux se rattachant à l'histoire oubliée ou défigurée de cette localité. EI-Alleg bien antérieur par sa fondation à Bou Saada, vit, il y a environ deux cents ans augmenter sa population par l'adjonction d'une fraction de Chorfa venus d'Ain El melah. Aujourd'hui, les gens d' El AlIeg font un grand commerce de goudron,

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entreposeurs du commerce saharien avec le Tell. En résumé, les Juifs n'y sont ni plus, ni moins rapaces qu'ailleurs; ils s'adonnent à la boisson et s'enivrent parfois avec de l'eau-de-vie de figues. Jadis, une place leur était spécialement réservée dans le quartier d'El A'goub, aujourd'hui, ils sont répandus dans toute la ville. Il y a aussi à Bou Saada une cinquantaine de trafiquants de la grande confédération des Beni M'zab: ils font un grand commerce de détail et professent le Kharijisme. Si Bou Saada est un entrepôt commercial, il a aussi un autre genre d'industrie, qui lui vaut une grande réputation dans les pays arabes: les brunes filles des Oulad Nail s'y donnent annuellement rendez-vous au nombre de plusieurs centaines; elles viennent y gagner leurs dots, en trafiquant de leurs charmes, relevés d'une façon assez originale par d'énormes bijoux en argent d'un travail des plus primitifs. Le K'sar a douze portes tant intérieures qu'extérieures ; chaque quartier se barricadait autrefois soigneusement; aujourd'hui, les portes intérieures ne se ferment plus; elles gisent à terre, comme des témoignages de la concorde introduite dans le pays sous la domination française. On compte huit mosquées sans minarets, quelques-unes ne sont que de simples zaouïas:

Djêma el-Derouiche ou Gueblia ; el-Kherkhilet ; el-Achache ; Chorfa ; Oulad Hameida ; Oulad Zerom ; Djêma el-Mohamin; Oulad Atik. Ces lieux de prière correspondent, on le voit, aux principaux quartiers. Enfin, on remarque deux koubbas monumentales élevées en l'honneur de marabouts vénérés: au Nord, celle de Sidi Atya, taleb venu du Maroc, elle est soigneusement blanchie à la chaux et pittoresquement surmontée d'une... bouteille ! Au Sud, la koubba de Sidi Brahim, père de la tribu de ce nom (1). Presque partout, au Sud et à l'Est, la ville est entourée de jardins ombragés par les palmiers, dont la sombre verdure forme une couronne autour du K'sar. Les plus belles plantations sont du Côté Sud. Les jardins présentant un très pittoresque aspect fournissent

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Notes



(1) Le·s Oulad Sidi Brahim prétendent que le fondateur de leur tribu était un Turc: ils racontent qu'au IX' siècle de l'hégire, quelques Turcs, sous la conduite d'un nommé Raba'h Moh'ammed, auquel succéda plus tard Baba-Ali, débarquèrent à Alger où ils eurent des discussions à propos de rapt et butin. Un certain Brahim dut se sauver avec sa part et probablement davantage. Il vint à Bou Saada et y épousa une femme des Chorfa, qu'il laissa plus tard enceinte pendant un voyage à Alger. Il mourut à son retour ; sa femme accoucha d'un fils qui fut nommé Sidi Brahim. Elevé par les Chorfa, il devint un marabout instruit et vénéré. Il mourut laissant trois fils, qui firent la souche des Oulad Sidi Brahim: l'aîné, Si Muh'ammed donna le jour à BelKacem, dont le fils fonda la petite bourgade d'Eddis, petite oasis située à 13 kilomètres au N.-0 de Bou Saada. Ses palmiers ont été presque tous rasés par des réguliers d'Abd el-Kader. Adossé à une montagne crayeuse, d'où s'échappent des sources d'une eau excellente qui arrosent de belles cultures, le village d'Ed-Dis voit peu à peu disparaître les traces des ravages causés par la guerre et déjà les têtes chevelues des jeunes palmiers commencent à ombrager ce modeste hameau. Un autre petit-fils de Si Brahim, Rabah, fonda Ben Zan avec les Oulad Abed. J'ai dû quelques-uns de ces renseignements, ainsi que plusieurs autres à une obligeante communication de M. le sous-Lieutenant de Spahis, Flory.

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de précieuses ressources aux habitants; on y trouve des palmiers, des oliviers, des lentisques, des abricotiers, des a'toum (Térébinthes), des jujubiers (Sidra), des figuiers, des pêchers, des grenadiers, des vignes, qui, enlacées de lianes, donnent de la fraîcheur et de l'ombrage et en font de véritables paradis pendant les brillantes journées d'été. Il n'est pas rare, lorsque souffle le sirocco, de voir la population toute entière quitter ses maisons infestées d'insectes pour émigrer dans les jardins. Sous ces verts ombrages, on cultive quantité de plantes: henné, tabac, oignons, carottes, courges, melons, pastèques, fèves, etc. Des touffes de lauriers-roses obstruent ça et là le cours de la rivière, et des térébinthes, quelques genêts rabougris poussent épars aux flancs de la montagne. Les dunes sablonneuses ont pour végétation le djem, l'alenda, le thym, le dis, le zita et quelques rares touffes de guettof; et, pour population, des centaines de stellions (Dab des Arabes) et de vipères cérastes qui grouillent sous un soleil de 55°. Près de 7,000 palmiers paient l'impôt'(1), mais les dattes ne sont pas très estimées. On y recherche beaucoup celles de Bisk'ra et de Tolga. En revanche, les étoffes de laine, couvertures, tapis, burnous, haïks tissés à Bou Saada, jouissent d'une grande réputation; et, dans toutes les maisons, les femmes travaillent à confectionner ces beaux produits, fort recherchés dans le Tel. Placé sur la route de Bisk'ara à E!-Ar'ouat, Bou-Saada est un centre commercial important pour les tribus méridionales qui viennent s'y approvisionner des grains du H'odna, des huiles de Kabilie ; il le fut jadis davantage, mais il tend chaque jour à reprendre, et au-delà, son importance première. Il s'y tient tous les jours un grand marché à Rahbat En Nouader, le marché des meules à fourrage, place extérieure et principale de la ville; dans le quartier adjacent se trouve Rahbat el-l'ham (le marché de la viande). Les Oulad Ahmed y apportent du sel de la grande Sebkha de H'odna (2) el du lac Zar'ez. Ce sel, généralement acheté par les Oulad Selama, est ensuite revendu et colporté sur les marchés d'Aumale jusqu'en Kabilie. Beaucoup de gens des Beni 'Abbés _______________________________________________________________________________

Notes

(1) On compte de plus, environ 300 palmiers improductifs et 250 mâles ne payant pas l'impôt.

(2) Sebkha, lac salé.

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de la Medjana apportent de l'huile, qu'ils vendent ou troquent contre des laines. Vers le mois de mai, on voit descendre les montagnards des confédérations Kabiles du Jurjura. Ces laborieux artisans apportent les produits de leurs industries: de grands plats, des charrues et des cuillères en bois, des sabres flissa, de la bijouterie des Yenni, des figues et des olives; ils échangent ces marchandises contre des toisons. Souvent, ils poussent plus avant, dans le Sud, jusqu'à Aïn Er Riche (1), sur la route d'EI-Ar'ouat et dans les diverses fractions des Oulad Nail. Les commerçants de Bou-Saada vont fréquemment à Tougourt et dans le Souf. Les tribus du Sud, que leur ventre attire dans le Tel, selon un proverbe arabe, viennent acheter des grains et des dattes, et vendre des moutons et des laines. Voici les noms des tribus qui, en diverses saisons, fréquentent le plus assidûment le marché de Bou-Sada:

Oulad: Nail, Sidi Brahim, Abmed, Sidi Zian, Khaled, Sliman, Bouserdjoun, Aïssa, ‘Amara, 'Amer , F’radj, Hadi, Dhim, Sidi H'amia, Sidi Sliman, Mah'di, Selama ; ainsi que : Adaoura, Souama, M’tarfa, Haouamed , Beni Abbès.

Les gens des Beni M'Zab de Touggourt; Temacin de Bisk'ra, de M'sila, et les Kabiles Igaouaouen (Zouaoua) du Jurjura.

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Notes

(1) Aïn Er Riche : la fontaine des plumes: lieu où, dit-on, s'arrêtaient autrefois les caravanes du Soudan pour commercer des plumes d'autruche. Je crois plutôt que ce nom est une corruption de la plante nommée en arabe Arich.

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Une Djêma ou assemblée de notables gouvernait Bou-Saada; chaque fraction avait son conseil à elle, nommé à l'élection, lequel, à son tour, élisait un membre; et la réunion de ces élus constituait la Djêma. Cette forme gouvernementale, commune à toutes les villes du désert, est également celle des tribus Kabiles. Ce conseil percevait l'impôt qui était envoyé à M'sila pour être dirigé sur Constantine. Le gouvernement turc, absorbé dans ses entreprises maritimes, n'exerça jamais une action bien directe sur les populations méridionales de l'Algérie. Dans le Sud, comme dans les Kabilies, il se borna à une suprématie souvent illusoire et n'intervint que très rarement dans les rivalités qui déchiraient les K'sour sahariens. Bou-Saada payait l'impôt aux beys de Constantine, et de temps à autre, ces chefs Turcs firent des expéditions dans le Sud (1) et vinrent

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Notes

(1) Nous renvoyons le lecteur aux très érudites et élégantes études de M. Vayssettes sur l'Histoire des beys de Constantine, publiée dans ce recueil. –

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dans l'Oasis, attirés soit par les querelles des habitants, soit pour imposer le pays. De même que dans les bourgades Kabiles, des dissensions continuelles divisaient, nous l'avons dit les fractions des villes du Sud et la réunion de quelques-unes de ces fractions opposées à l'alliance des autres quartiers correspond exactement aux Sof de Kabilie, un des phénomènes politiques les plus remarquables du système démocratique des peuples berbers. Pas plus que les autres, Bou-Saada n'échappa à la loi commune. Les éléments divers qui peuplaient la ville se livrèrent à plusieurs reprises des guerres acharnées. Ainsi, vers 1170 de l'hégire, les Mohamin, qui occupaient le même quartier de la ville que les Oulad Si Harkat, se battirent contre eux et furent expulsés. Quelques années plus tard, ils obtinrent de rentrer; mais, ne pouvant rester en paix, de nouvelles querelles les firent encore chasser, et ce ne fut que huit ans après qu'ils purent revenir s'installer dans le quartier où ils sont aujourd'hui. La fraction dite EI-Ouêche, séparée de Bou-Saada par un ravin, fut fréquemment en hostilité avec le reste de la ville, et, malgré sa faiblesse, n'eut pas toujours le dessous. Ces divisions étaient continuelles et, si on ne brûlait pas constamment la poudre, il n'était pas prudent aux habitants des deux quartiers de s'aventurer les uns chez les autres. Plusieurs fois les Oulad Mah’di et les Oulad Nail, profitant de ces divisions intestines ou même appelés par de sourdes menées, rançonnèrent la ville: une centaine de cavaliers de ces tribus entraient par la rivière et campaient dans l'Oasis, où ils imposaient les habitants, grâce à la profonde terreur qu'ils inspiraient. Cependant, il parait qu'un beau jour les Bou-Sadi se décidèrent à la défense, car ils racontent, avec orgueil, qu'un homme des Oulad Mah'di, retenu captif dans une de ces incursions fut, sanglant outrage, vendu comme nègre. Les plus redoutés de ces ennemis extérieurs, étaient les Oulad Sah'noun, tribu lointaine qui, tombant à l'improviste sur Bou - Saada, n'offraient pas la facilité d'une revanche aux habitants comme les Oulad Mahdi, dont les silos étaient proches. Les gens de Bou-Saada ont gardé le souvenir d'un Bey Ah'med (El Kolli) qui vint visiter le Hod’na vers 1178. C'était, si l'on en croit les anciens, la première apparition des Turcs dans le pays. Cette visite ne tarda pas à être suivie de plusieurs autres, jusqu'en 1218, époque où le bey Othman (1) arriva pour interposer son autorité entre les fractions des Oulad-Mahdi (2). Vers 1255, Djallal, bey de Médéa, vint châtier les Oulad Mah'di qui, s'étant révoltés, avaient razzié les Oulad Selama et les Adaoura. Le Bey fut battu. Heureusement, une colonne turque, sous le commandement de l'Agha Omar El-Dzaïri, accourut à son secours, devant faire jonction sous les murs de Bou-Saada, avec une autre colonne venue de Constantine, aux ordres de Sahnoun-Bey (3). Les habitants de Bou-Saada alarmés. à juste titre de cette réunion, prirent prudemment le parti de s'enfuir avec ce qu'ils avaient de plus précieux, abandonnant leur ville aux Turcs campés non loin de là. Ceux-ci la pillèrent et se dirigèrent vers M'sila, où l'Agha Omar fit assassiner le Bey de Constantine, coupable de ne s'être pas rendu assez vite aux ordres du Divan d'Alger, mais, en réalité, par jalousie de l'appareil de puissance et de richesse déployé par ce Bey. De temps à autre les Beys de Constantine continuèrent à profiter des rivalités des tribus du Hod’na pour descendre à Bou-Saada et y percevoir de fortes Lezma (impôt extralégal). Le dernier de tous fut Ah'med Bey, que nous avons expulsé de Constantine: il vint poursuivre un chef arabe rebelle, jusque chez les Oulad Naïl. Pendant cette excursion, il fut rejoint par Ah'med Oulid Bou Mezrag, fils du Bey de Titri qui venait d'être chassé de Médéa et réclamait l'appui du Bey de Constantine pour reconquérir l'héritage paternel. Il y avait déjà six années que les Français étaient dans la

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Notes

(1) C'est ce même Bey qui, l'année suivante, étant allé porter l'impôt à Allier, fut obligé d'en revenir en toute hâte ; un certain marabout, originaire de l'Est, Moh'ammed Bel Arche, connu chez les auteurs Européens sous le nom du Forban de Djidjelli, vint d'Oran, passa à Bou-Saada, se rendit chez les Zouaoua, où il leva une armée considérable. Grâce à de nombreuses intelligences parmi les confréries des Khouan de Constantine, il mit les Turcs à deux doigts. de leur perte, Uthman Bey parvint cependant à les chasser,

(2) Cette tribu jouissait avant 1830, des privilèges des tribus makhzen.

(3) Ce nom manque dans la chronologie des beys de l'Est. - N. de la R.

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Régence quand Bou Mezrag accompagna le Bey à Constantine, et revint avec un goum considérable de toutes les tribus du h’odna. A ce moment, les Hal Bou Saada étaient en lutte avec les Oulad Sidi Brahim, dont ils avaient lieu de redouter la puissance. La Djêma de Bou Saada, voyant passer l'armée du Bey de Titri, implora son appui, qu'il leur accorda, pour se ménager des ressources dans la guerre qu'il allait entreprendre. Les choses allaient très bien pour les gens de Bou Saada, si le vieux Khalifa de la Medjana, un Mokrani (1), n'avait reçu de fortes sommes des Oulad Sidi Brahim pour soudoyer les goums de Bou Mezrag, qui fondirent comme les neiges du Djurjura un jour de soleil. Le jeune chef, voyant lui manquer l'appui sur lequel il avait compté, regagna avec quelques cavaliers la route de Sour El R'ozlan (2), ancien bordj turc ruiné, situé sur les pentes Nord de Dira, contre la route de Médéa.

Lors de l'hiver de 1837-1838, l'Emir El H'adj Abd el-Kader vint dans le Ouennour'a destituer le Khalifa de la Medjana et du H'odna qu'il soupçonnait de relations avec l'autorité française. Après avoir nommé à sa place Abd es-Selam Bou Diaf, l'Emir passa à Bou Saada et se dirigea avec son armée sur Ain Mah'di, la ville sainte du marabout Tedjini, où ses canons ne devaient laisser debout qu'un seul palmier. On sait le retentissement qu'eut ce siège mémorable parmi les populations Sah'ariennes, dont il aliéna les esprits à sa cause. Pendant ce temps, une colonne française aux ordres du général Négrier, commandant la division de Constantine, s'avançait dans le H'odna ; tandis que le frère d'AbdelKader, Sidi El Hadj Mostapha ben Mahidine

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Notes

(1) La famille des Oulad Mokran (du mot kabile Amokran, cher, grand) a sa principale résidence dans la bourgade de Kalâ , chez les Aith 'Abbès, c'est là que I'imagination des Arabes prétend qu'est enfoui le trésor de 70,000,000 des Mokrani, illustres dans le pays par leur ancienneté et leur immense influence. Si l'imagination des indigènes voit dans les Mokrani des millionnaires, celle, non moins pittoresque des Français, en a fait longtemps - ·et sans savoir pourquoi - les descendants des Montmorency

(2) La cité romaine d'Auzota, ruinée et abandonnée lors de la grande révolte de 297, aujourd'hui la ville française d'Aumale.

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accompagné d'El-Hadj el-Kharoubi, Agha de l'infanterie, étaient venus mettre la paix entre les chefs nommés par l'Emir et surveiller leurs menées ambitieuses. A l'approche du général français, ils se réfugièrent dans la petite oasis d'Ed-Dis, où ils placèrent leur camp jusqu'à la rentrée des Chrétiens. Ce ne fut qu'en 1843, que le général de brigade de Sillègue pénétra dans Bou Saâda, à la tête d'une expédition. Il reçut un excellent accueil des habitants. En 1845, une autre colonne, composée de cavalerie et ayant pour chef le général d'Arbouville, visita Bou-Saada. Depuis ce moment, les expéditions qui battaient le Sud, à la poursuite de l'Emir ou de ses lieutenants, passaient par M'sila et Bou-Saada. En 1819, un marabout très influent, Moh'ammed ben Ali ben Chabira, réunissait souvent les Khouan de Bou-Saada (1) dans une mosquée qu'il avait faite construire, et y prêcha le Djeh'ad ou la guerre sainte. La puissante tribu des Oulad Nail y comptait de nombreux adeptes et, lorsque Ben Chabira se joignit au fameux Bouzian (2), il entraîna plusieurs fractions à la révolte. C'était en 1819 : Nos troupes se rendaient à Zaatcha; le général Charon, alors Gouverneur Général, résolut d'occuper Bou-Saada, et de fonder un établissement sur ce point, intermédiaire important entre Bisk'ra et EI-Ar'ouat. Le colonel de Barral (3) y laissa une garnison de 150 hommes, affaiblis par les marches, et commandés par le Sous-lieutenant Lapeire (4). A peine le gros de la colonne fut-il parti, que la petite troupe française se trouva obligée de se réfugier dans la grande mosquée, et la ville se divisa en deux

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Notes

(1) Les Khouan de Bou-Saada appartenaient aux ordres de Sid Abd ErRahman Tedjini (confrérie sah'arienne) et à celui, tout local, de Si Mouça ben'Amar. Ce que nous allons dire est un faible échantillon de l'influence de ces ordres chez les Musulmans. Nous recommandons au lecteur qui voudrait approfondir cette influence d'étudier les événements qui précédèrent le siège de Zaatcha.

(2) Un des principaux instigateurs de l'insurrection de Zaatcha.

(3) Tué comme Général, chez les Ath Immel, Kabylie Orientale

(4) Tué par un des premiers boulets russes, à la bataille de l'Alma.

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partis, dont l'un voulait l'extermination des étrangers et l'autre acceptait notre domination. La Djêma se réunit, et, à la suite d'une discussion fort animée, on prit les armes. Les Oulad Nail accoururent sous les murs de la ville, et les Achache, les Oulad Si Harkat commencèrent le feu par la porte qui va de chez ces derniers au quartier des Mohamin. La garnison se trouva obligée de se défendre. La nouvelle de cette insurrection ne tarda pas à arriver à Bordj Bou-Areridj, poste important de la Medjana. Le capitaine Pein (1) qui commandait le fort, réunit précipitamment une cinquantaine de fantassins disponibles et se dirigea sur M'sila, pour gagner en toute hâte Bou-Saada. C'était une tâche difficile et périlleuse, car on disait les Oulad Mahdi en pleine révolte. Il fallut au capitaine Pein une rare énergie pour surmonter les difficultés et triompher de l'hostile mauvais vouloir des indigènes; il parvint cependant à rassembler quelques cavaliers; et, laissant l'infanterie derrière, il prit au galop la route de Bou-Saada. La petite troupe contourna la ville et, malgré une vive fusillade, pénétra, par Bab El Dzair. La garnison française occupait toujours la mosquée et fut renforcée, pendant la nuit, par l'arrivée du petit détachement de Bordj Bou-Areridj. Deux jours après, le Khalifa de la Medjana, Sid EI-Mokrani, arrivait avec un nombreux contingent, et le capitaine Pein put prendre l'offensive. A quelques jours de là, survint la colonne commandée par le Colonel Canrobert; depuis et avant Ain-Akherman, sa marche n'avait été qu'un lugubre convoi; le choléra sévissait parmi ses soldats, obligés de repousser l'ennemi pour ensevelir leurs camarades. C'est là, qu'à un moment, harcelé par des forces considérables et voyant tomber les siens, le Colonel Canrobert, dont le nom était déjà populaire dans l'armée d'Afrique, s'avança vers les Arabes et, leur montrant les cadavres, leur dit: «Fuyez .. j'apporte la peste avec moi! ). Les tribus, épouvantées par ce

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Notes

(1) Ce même officier est aujourd'hui colonel, commandant la subdivision de Batna.

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désastre., se retirèrent. M. Canrobert continua sa marche vers Zaatcha, sur la brèche duquel il devait s'illustrer, lorsque, le 11 novembre, le Colonel Daumas, arriva devant Bou-Saada avec des troupes de cavalerie: lui aussi avait eu sa colonne rudement éprouvée par le fléau. A son apparition devant la ville, les bruits les plus sinistres circulaient parmi les populations Arabes. De Tunis au Maroc, on parlait de nos prétendus échecs devant Zaatcha et des succès de Bouzian ; la situation pouvait se compliquer d'un moment à l'autre. Le Colonel Daumas dont les troupes étaient décimées, jugea qu'il fallait en finir d'un seul coup; le 14 novembre, il reçut la soumission solennelle des habitants de Bou-Saada, imposant la ville d'une amende de 8000 FR (1) payable sous trois jours, outre des objets de valeur locale: burnous, haïks, tapis, etc.

Après de rudes épreuves, Zaatcha tomba devant le courage persévérant de nos soldats. Bou-Saada était soumis; on s'occupa sérieusement de l'occupation.

Une Kasbah fut construite sur le Doulat El-Roud: elle domine le Ksar et le marché et renferme tous les établissements militaires. Les populations, d'abord alarmées de notre présence, ne tardèrent pas à revenir. La paix profonde qui règne aujourd'hui dans le Sud y a développé un commerce considérable. Un seul fait prouvera plus éloquemment que tout ce que nous pourrions dire la considération attachée à la domination française: à la suite de notre occupation, quelques tentes s'étaient retirées dans la régence de Tunis. Le bien-être de leurs frères restés à Bou-Saada les a déterminées à revenir spontanément, et une tribu toute entière, les Haouamed, s’est ainsi reformée.

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Notes: (1) Somme considérable en pareil moment
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Le Baron Aucapitaine Salvador, Sous-Lieutenant au 36ème de ligne.
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Petit historique de la ville de Bou Saada



Première oasis qu’on rencontre lorsqu’on se dirige à partir d’Alger vers le désert du Sahara, elle est située à près de 270kms de celle-ci . Petite palmeraie de 24 000 palmiers elle comprend 119.000 habitants.





Bou Saada, avant la colonisation,



Bien que les premières pierres de la ville aient été posées au milieu du 13ème siècle par les Gétules berbères migrants, l’érection réelle de celle-ci remonterait selon les historiens au lendemain de la reconquista espagnole de l’Andalousie au 15ème siècle par les Catholiques. La date de la fondation de la ville correspondrait donc à celle de l’avènement du beylicat d’Alger. Deux chefs spirituels venant d’Andalousie qui ont longuement séjourné à Seguia El Hamra , Sidi Slimane Ben Rabéa et Sidi Thameur Ben Ahmed El Fassi, achètent à une tribu de nomades pasteurs, les Bedarna (une branche Ouleds Naïls) un lopin de terre aux abords d’un oued et aux pieds du mont du Hodna. Ils y édifieront les premières maisons et la mosquée d’El Atik (Ennakhla) à partir de laquelle ils diffuseront l’enseignement soufi, la science et la sagesse. Ils lui donneront le nom quelque peu légendaire de Bou Saada qui lui vaudra l’appellation de cité du bonheur. Pas très loin, on trouve la Kouba de Sidi Brahim ainsi que le tombeau d’El Hachemi , fils l’Emir Abdelkader, qui séjourna à Bou Saada lors de son retour de Syrie où il fut logé par la famille Chérif, et exprima le vœu d’y être enterré. Le fils de ce dernier, l’émir Khaled , y passa son adolescence et eut pour ami Abdelkader Bisker qui fut pour lui une sorte de demi frère.



Jusqu’à aujourd’hui, la ville est reconnue comme étant un lieu important de résidence de lettrés musulmans dont certains conservent encore précieusement des documents scientifiques et religieux très anciens. Les amoureux des arts et des lettres lui vouent une grande affection et un grand attachement.



Dans les environs proches de la ville on a retrouvé des peintures rupestres semblables à celles du Tassili, des vestiges datant 8000 ans Av. JC ainsi que des ruines romaines. A partir du 11ème siècle la région devient un lieu de croisement d’importantes routes commerciales menant en Afrique, en Andalousie, à Bagdad et à Damas. A cette même période, (1007-1152) correspondant au règne des Fatimides, est édifiée à proximité de Bou Saada et de M’sila, la capitale du royaume des Hammadite dont subsistent encore d’importants vestiges dont la kalaa des Beni Hammad. Erigée dans le Maadhid , elle est un site classé patrimoine mondial par l’UNESCO en 1980.[1]



Les Benou Hilal, tribus de poètes guerriers originaires du Yémen, après avoir transité par le Soudan, s’installent aussi au 11ème siècle dans la région et sont très souvent recrutés en raison de leur maîtrise des arts de la guerre pour protéger des pillages les caravanes de commerçants transportant la poudre d’or du Soudan vers l’Andalousie.



La Zaouïa d’El Hammel affiliée à la Rahmania et fondée par Sidi Mohamed ben Belkacem, est érigée à l’orée de la ville. Elle est connue au niveau national et international pour son rayonnement sur l’Algérie et l’Afrique subsaharienne et comme un lieu de piété et de diffusion d’un Islam, inscrit dans la pensée philosophique des Ikhwan Essafa, celui d’une pratique religieuse épurée, tolérante et ouverte aux sciences et à la réflexion, A la mort de son fondateur en 1897, sa fille Lalla Zeineb dirigea la zaouia jusqu’en 1904.



Les citadins de la ville sont d’origines très diverses. S’y sont données rendez vous, outre les lettrés musulmans , des familles entières venues d’Andalousie, arabes et juives ainsi que des soldats protecteurs du dernier roi de Cordoue Abou Badil, des groupes venus d’Orient, Bénou hillal , Yéménites, Béni Hammad, Damasquais, Baghdadis, des Français le plus souvent fonctionnaires ou enseignants, des familles kabyles liées à la zaouïa d’El Hammel[2] , ainsi que des berbères travailleurs de la terre dans les jardins de l’oasis et artisans. Y résident également des kouloughli en rupture avec la régence d’Alger.[3] Nombreux sont les habitants de la ville qui sont les descendants de familles nobles de la kalaa des Beni Hammad qui s’y sont réfugiées suite à la destruction de celle-ci.



Les tenues vestimentaires et les coiffures anciennes sont très spécifiques à la ville et renseignent sur les origines de la population et sa grande diversité.



Selon certains observateurs, l’origine andalouse d’une partie de la population est aussi attestée par les robes que portent les femmes. Les volants froncés de el roppa (la robe) rappèlent étrangement la jupe gitane alors que le chant dit gharbi (occidental ?) chanté par exemple par Khélifi Ahmed, est très proche sinon semblable à la complainte flamenco . La légende rapportée par les anciens voudrait qu’à la chute de Cordoue en 1492 les habitants d’un des quartiers de la ville, avant de se quitter, se soient promis de se retrouver un jour et de le reconstruire. Sidi Thameur et Sidi Slimane auraient réalisé leur vœu.



Par ailleurs, peut-être en raison de la présence turque, on retrouve encore aujourd’hui des airs musicaux, exécutés par la ghaita (un haut bois), semblables à ceux qu’on écoute en Serbie et en Albanie, anciennement parties de l’empire ottoman.



Les danses, caractéristiques de la région et uniques dans leur genre en Algérie, tels que le saadaoui, la danse du cheval, oumayna et autres, témoignent, à l’instar des chants et de la musique, d’une grande sophistication artistique qui n’ont donné lieu à aucun travail de recherche artistique.



La malehfa quant à elle, elle est la reproduction exacte de la toge romaine. Relevée sur la tête, elle est devenue aujourd’hui el haik , voile spécifique à la région. La coiffure, le guennour , une construction savante de foulards sur la tête renseigne sur l’origine noble la femme qui le porte, plus celui ci est grand plus sa place dans la hiérarchie nobiliaire est importante. L’origine de cette coiffure est par contre plus difficile à déterminer.



Malgré la diversité des populations qui se sont retrouvées dans la ville qui a vraisemblablement servi de refuge à des lettrés et des artistes venus de tous horizons, tous ces groupes y vivent en bonne entente et se considèrent d’abord comme des Bou saadiens. L’architecture très typique de la ville reproduit cet amalgame de communautés, chacune ayant son propre quartier[4], bien que les mariages et autres types d’alliances entre elles soient très courants. Les échanges commerciaux entre nomades de grande tente et citadins créent une totale complémentarité pacifique et intelligente entre les deux groupes et caractérisent cette économie agropastorale.







Bou Saada pendant la colonisation,



Durant la période coloniale, cette oasis qui donne au voyageur un échantillon du Sahara est appelée l’oasis d’Alger et parfois l’oasis des Algérois. Grâce à une politique touristique intelligemment menée et une population reconnue universellement comme cultivée, hospitalière et très accueillante, des masses importantes de touristes venues du nord de l’Algérie, de l’Europe et des Amériques s’y dirigeaient vers le printemps et ne la quittaient que vers la fin de l’automne. La famille Ferrero, originaire d’Italie, y a édifié un moulin à eau sur le bord de l’oued qui est encore aujourd’hui, bien qu’en ruines, il n’en reste qu’un mince filet d’eau , une attraction touristique.



Isabelle Héberhardt, Guy de Maupassant ainsi qu’André Gide lui consacrent de belles pages dans leurs écrits respectifs. L’oasis de Bou Saada –bien que petite – est une des plus charmantes de l’Algérie écrit Guy de Maupassant alors qu’Isabelle Eberhardt écrit Bou Saada la reine fauve, vêtue de ses jardins obscurs et gardée par ses collines violettes, dort voluptueusement au bord escarpé de l’oued où l’eau bruisse sur les cailloux blancs et roses. Colette, lors de l’un de ses séjours à Bou Saada, y rédigea ses impressions dans son fameux article intitulé la fleur du désert. FS. Fitzgerald publia en 1930 dans le Saturday evening post un reportage sous le titre un voyage à l’étranger où il décrit son passage dans la ville. L’ethnologue français Marçais y étudia dans une œuvre magistrale les parlers de Bou Saada. Le Hurau de l’académie des sciences coloniales lui consacra un livre intitulé : Bou Saada , cité du bonheur.



Et pour l’anecdote une grande partie du film Tarzan du réalisateur E.R. Burroughs y fut tournée, un vin australien est vendu sous l’appellation Bou Saada, une médecin californienne s’appelle Bou Saada, une professeure nommée Kate Elisabeth Bou Saada enseigne la psychologie à l’université du Connecticut, une femme médecin obstétricienne américaine ( Caroline du Nord) se nomme Ingrid Bou Saada, un musicien américain se nomme Mike Bou Saada et un groupe américain de chants et de danses orientales a pour nom Bou Saada Troup Tours Danse. Ce même nom a été donné à un yacht datant de la seconde guerre mondiale dont le propriétaire est Edmund Dreyfus. Il mouille aujourd’hui à Dunkerque.



Parmi les publications qui la citent ou qui lui sont consacrées, on peut citer essentiellement le livre de Youcef Nacib[5] et les passages de l’ouvrage de Mostéfa Lacheraf[6] qui sont tous les deux un véritable hymne à la ville .



En raison de la luminosité de son ciel à nulle autre pareille et la grande beauté des femmes Ouled Naïl qui y ont élu domicile[7] , elle a fait la joie des peintres souvent orientalistes, mais pas seulement. [8]







Le peintre français Etienne Dinet (1861-1929) y vécut , se convertit à l’Islam et y mourut. Dans l’un des ses écrits, il déclare : Bou Saada mérite son nom plein de promesses ; si le paradis est dans le ciel , certes il est au dessus de ce pays, s’il est sur terre il est au dessous de lui. [9]



Pour honorer la mémoire d’Etienne Dinet, un musée qui porte son nom a été créé en 1969, le miniaturiste Mohamed Racim en fut un des membres fondateurs. [10] Certains ouvrages de sa bibliothèque considérable se sont retrouvés entre les mains des défunts Mostéfa Lacheraf et Messaoud Ben Haidèche (fils adoptif de Dinet) qui les ont conservés précieusement. Un certains nombre d’entre eux ont été récupérés par le musée de Bou Saada.



Parmi les peintres qui lui ont consacré leur œuvre on cite G.Guillaumet, A.Jamard, L.Granata, A. Daniélou, A.delahogue, S.Delbays, E.Herzig, E. Weckling, E.deshayes, F. Noailly, P.E. Dubois, H.d’Estienne, J.Launois, E. Coligou, Marguerite Tédéschi . Le peintre flamand Edouard Verschaffelt (1874-1955) qui y prit épouse, fonda une famille après son mariage avec une femme de la tribu de Sidi Brahim dont il eut deux enfants et y fut enterré.



L.E. Barrias, y réalisa une merveilleuse petite sculpture de 20 cm en bronze appelée jeune fille de Bou Saada. Une autre fileuse de Bou Saada orne la tombe de son auteur Guillaumet au cimetière de Montmartre à Paris.



Bou Saada aujourd’hui



Au lendemain de l’indépendance, les populations nomades ayant vu leurs troupeaux décimés durant la guerre se sont installées dans la ville. Souvent sans revenus, aucune politique sérieuse de développement économique en vue de la reconstitution des cheptels et/ou touristique de la ville n’y étant menée, elles se sont installées dans des habitations précaires dans des conditions de vie très proches de la pauvreté. Si on y rajoute l’absence d’une politique de maîtrise de la démographie jusqu’en 1986, la population s’est développée à une vitesse vertigineuse alors qu’en même temps les lettrés de la ville la quittaient pour s’installer au nord de l’Algérie le plus souvent à Alger à la recherche d’un emploi rémunérateur correspondant à leur formation. Beaucoup ont quitté l’Algérie.



La vieille médina ( le k’sar : le palais), caractérisée par une architecture méditerranéenne traditionnelle selon les spécialistes de la question, est laissée à l’abandon par ses anciens habitants préférant loger dans une maison en dur édifiée dans la nouvelle ville et disposant de toutes les commodités. L’inexistence de dispositions réglementaires[11] pour la préservation de son caractère historique, elle tombe lentement et sûrement en ruines. Un pan entier de l’histoire de la ville représentant un patrimoine inestimable s’écroule dans l’indifférence générale. [12]. Par ailleurs , seule une tentative pas très heureuse a été entreprise pour restaurer la mosquée plus que centenaire des Ouleds Hmeida .



La ville entière dépérit, écrasée par le chômage en raison de l’absence totale de tout plan de développement aussi minime soit-il.



Le musée Etienne Dinet



Edifié à l’orée de la ville dans la palmeraie, suite à sa destruction par un incendie en 1995, il a été entièrement restauré et réouvert aux visiteurs en 2004, à l’occasion de la journée mondiale des musées. Il comprend une bibliothèque constituée de 5000 ouvrages, 2 salles d’exposition et une salle de lecture. Un nombre important des œuvres du peintre y sont exposées ainsi que d’autres objets historiques . Plusieurs manifestations y ont eu lieu comme celle intitulée retrouvailles consacrée aux œuvres de l’artiste, une autre fut consacrée aux costumes traditionnels algériens au 19ème siècle, Escale à Bou Saada où 12 peintres nationaux ont exposé leurs œuvres, Reflets de Bou Saada, consacrée aux artistes locaux ainsi que la commémoration du 75ème anniversaire du décès du peintre. La directrice du musée Mme HIOUNE Mezerka grâce à l’appui du ministère de la culture mène une activité intense pour redonner vie au musée et a déjà lancé plusieurs projets pour son extension et son développement grâce à l’aide d’un groupe de Bou Saadiens ( Comité de Réflexion et de Coordination) qui se sont mobilisés pour mener à bien cette action.



Notons l’existence d’associations à vocations culturelles dont l’Association des artistes peintres de Bou Saada , l’Association pour la promotion de la culture auprès des enfants et d’une maison de l’artisanat.





Programme Provisoire de la journée des retrouvailles (qui peut être modifié par les personnes intéressées par le projet)

1. Conférences : seront appelés à faire des conférences toutes les personnes qui ont écrit ou réalisé des recherches sur la ville, et toute autre personne qui serait intéressée.



2. Atelier de travail: celui ci doit s’achever par la constitution d’un groupe appelé les amis de l’écomusée de Bou Saada qui aura pour mission de développer, en concertation étroite avec la directrice du musée et le ministère de la culture, les points retenus en plénière : affiner le programme d’aide au développement du musée, rechercher les financements, assurer le suivi et la réalisation des programmes.



Programme culturel : chants, danses, circuit touristique, exposition de peintures et autres, exposition photos, fantasia, concours du plus beau bassour, etc..



Financement et sponsors éventuels : Billets d’avion, nuitées et repas : A rechercher



Date et durée : A déterminer par le groupe informel chargé de la préparation de la manifestation.



Invités : A déterminer par le groupe informel chargé de la préparation de la manifestation : des officiels, des citoyens de Bou Saada, bou saadiens de la diaspora vivant en Algérie ou à l’étranger, amis de la ville: artistes, journalistes, essayistes, écrivains, enseignants et étudiants des beaux arts , etc…



Bibliographie générale



Mokhtar Zinet Recherche sur le concept d’un plan d’urbanisation de développement durable concernant l’évolution des sociétés pastorales et des villes steppiques, Palmyre et Bou Saada, DES Université de Genève.

Ould Hania Amina , Choix climatiques et construction en zones arides et semi arides, le cas de la maison de Bou Saada, 2003, Thèse de doctorat de 3ème cycle , Ecole polytechnique de Lausanne

Makhlouf Laid, Expérimentation de techniques mécaniques et biologiques de lutte contre les déplacements de sable. INRF, Alger, 80-84

Marçais, Les parlers de Bou Saada , bulletin de l’institut d’archéologie orientale français

Le Hurau, Bou Saada, cité du Bonheur, académie des sciences coloniales

Farouk Zahi : El watan 11 septembre 2006

Youcef Nacib : Cultures oasiennes, Bou Saada, un essai d’histoire sociale

Zouilai Kaddour Des serrures et des voiles l’Harmattan, 1990

Brahimi Denise, Les terrasses de Bou Saada , ENAG, 1986

M. Lacheraf : Des noms et des lieux

Mohamed Kacimi El Hassani , Arabes, vous avez dit arabes, 1990, Balland

Nadir Maarouf : les cultures oasiennes

Ouaret Fayçal, Ocres, un amour d’Etienne Dinet, Casbah, 2002

Filali Kamel, l’Algérie mystique . Des marabouts fondateurs aux khwans insurgés, du 15ème au 19ème siècle , Publisud 2002

Fontaine Pierre, Bou Saada, porte du désert, éd.Dervy, 1952

Tharaud Jean, La fête arabe, Plon, 1922

Société littéraire de Lyon, De Bou Saada à Biskra, une étape de la caravane lyonnaise en Algérie, Dr. Carry, 1925

Revue, Museum International N° 212

De Gallant (charles) , Excursion à Bou saada, Cliendot Paul éditeur, 1899



Sites web :

http://www.gomres.com/,

www.abdeltif.com/algérie

http://www.chez.com/, site saweb (Lomri)

http://www.bousaada.net/

www.bou-saada.net/jamila.htm





ANNEXES :



ANNEXE 1.



Extraits du livre de Mostéfa Lacheraf, Des noms et des lieux

Mostéfa Lacheraf note dans certains chapitres que nous reproduisons ici les impressions qu’il garde de la ville lorsqu’il y a été nommé juge suppléant en 1942.



(..)Bou Saada se distinguait alors , à l’égal d’autres oasis comme Laghouat et Ghardaïa , par l’existence d’une élite lettrée à la fois traditionaliste dans le bon sens et très moderniste, aussi bien dans le commerce de gros , les affaires, certains secteurs de la vie quotidienne que dans sa vision du monde. Même ses instituteurs, tous originaires de cette ville et sortis de l’école normale de Bouzaréah , préservaient jalousement dans leurs façons de vivre , de s’habiller, de parler et de se conduire , un indéniable cachet algérien, à l’instar de la Kabylie de l’époque (…). L’élite lettrée de Bou Saada et la classe moyenne des commerçants et artisans ou petits fonctionnaires , même s’ils appartenaient, de par leurs goûts, habitudes, genres de vie et niveau culturel et de savoir-faire, à la citadinité spécifique d’une vieille ville du Sud, (…) De plus ce que j’ai écrit sur Etienne Dinet (..) et sur le choix qu’il a fait de Bou Saada est un hommage à leur esprit de tolérance et à leur grande capacité d’accueil éclairé , non conformiste et généreux.



Page 73 : Les toiles peintes par Nasr–Eddine Dinet avec ces visages, ces physionomies saisissantes de ressemblance d’une génération à l’autres évoquent pour moi une stratification de classes urbaines de père en fils et témoignent d’une rare continuité des lignées parentales directes. De toute façon le label de la famille à travers ses descendants atteste encore de l’ancienneté d’une certaine population de Bou Saada et de sa fidélité à elle-même comme on le constate pour les bourgeoisies de l’Europe classique quand on regarde de près les tableaux de peinture (..)



Parlant de la dégradation de la ville aujourd’hui M. Lacheraf note :



(..) Cela a dû se passer de la même façon dans les vieilles villes algériennes aux traditions urbaines affirmées avant la dispersion des années de guerre et notamment l’afflux de l’exode rurale qui a transformé la physionomie générale de la cité (..) mais aussi les traits emblématiques saillants qui au premier coup d’œil permettent l’identification de l’identité anciennement citadine et l’appartenance à telle ou telle famille de renom incontestable. Comme cela se voit encore à Tunis par exemple , Fez, et chez nous à Constantine, Bejaia , Tlemcen, et dans les petites villes comportant des noyaux limités et parfaitement vétustes et attachants de citadinité, de conduites sociales et de traditionalisme, sinon de culture créatrice, comme Déllys, Cherchell, Mila, Mostaganem, (…)



P. 75 : Les moindres détails (..) contribuent à esquisser sociologiquement une culture, un modeste foyer de civilisation urbaine traditionnelle s’ouvrant sur les collectivités proches ou lointaines du désert algérien (…) Cet équilibre harmonieux et attachant à Bou Saada (…) agissant par des traditions sélectives et des élans maîtrisés vers la modernité du savoir et du goût provenait aussi d’un milieu dont la plupart des éléments instruits et aptes à influencer les conduites sociales autour d’eux n’étaient acquis inconditionnellement ni aux Ulémas ni aux confréries maraboutiques,



P79 : Le milieu bousaadien traditionalistes , dans le bon sens, à l’époque où je l’ai fréquenté était riche en hommes de forte personnalité nourris d’un patrimoine arabe respectable plus ou moins classique et de haute époque, détendus , croyants sans zèle, ou bigoterie, ouverts, à la fois sur des valeurs anciennes et des acquis nouveaux, ayant leur franc parler et portés à des plaisanteries intelligentes, toutes choses qui curieusement et sans trop d’exagération me faisaient parfois revivre par le souvenir de mes lectures des scènes de la vie de Basra du temps d’El Jahith telles qu’observées par lui d’une façon géniale dans ses livres pleins d’esprit, de traits débonnaires ou mordants, de truculence et d’affectueuse ironie sur les mœurs des lettrés (…) de la grande cité mésopotamienne au 9èmes. A Bou Saada comme dans la Basra du moyen âge musulman, rivale de Bagdad pour la qualité de ses hommes , existait encore cette bonne tradition algérienne décontractée et néanmoins chaleureuse et non conformiste qui consiste en une foi sobre , des rapports humains chaleureux n’excluant pas d’innocentes farces entre proches voisins et compagnons en échange de bons mots appliqués à certaines situations et restés célèbres jusqu’à nos jours.



P. 80, (..) On sait que Bou Saada , située dans une zone aride, n’avait pas dans son périmètre extérieur ni village de colonisation ni de colons. Cependant, dans la cité plusieurs fois séculaires au cœur de l’oasis ou la bordant de toutes parts ainsi que dans certaines villes de l’Oranie tellienne et à Mascara en particulier, la vie nationale se manifeste par une forte présence de l’algérianité traditionnelle de bon goût qui ne devait rien à l’occupant étranger et apparaissait dans ses moindres détails culturels comme une sorte de résistance sereine, allant de soi, efficace, dépourvue de morgue ou de volontarisme et sans démonstration spectaculaire.













[1] Rappelons qu’à l’origine, les Sanhaja, (tribus berbères pour certains historiens et arabes selon d’autres car leur nom voudrait dire : venu de Sanaa au Yémen, dja min Sanaa) remontent du nord ouest saharien, menées par leur chef Ziri ibn Manad fondateur de la dynastie Ziride. Celui-ci s’allie aux Fatimide (http://www.muslimheritage.com/) qui l’aident à fonder Ashir (au sud est d’Alger) alors que son fils Bologhine ibn Ziri est nommé vice roi d’Ifriquya . Hammad Ben Bologhine fonda la dynastie des Hammadite du Hodna. Son fils, le prince Hammadite El Nacir, après avoir abandonné la kalaa sous la pression des Bénou Hillal, a fondé Bejaia (Naciria) au 11ème siècle, alors qu’à la même époque son frère aîné le prince El Kaid s’installait El Mahdia près de Djidjelli.



[2] El Mokrani de la kalaa des Beni Hammad, bachagha de la Medjana, décédé en 1871 à oued Soufflat, y a longtemps séjourné, (http://www.afrique-du-nord.com/)



[3]. (…) le bey Hassan ben Ali fut brouillé avec son neveu ,Ali Pacha. Ce dernier se réfugia dans les montagnes d’Uselettes c’est-à-dire aux portes de Bou Saada. Là, il se proclama bey et se présenta comme défenseur des Turcs mécontents de Hassan, et des populations rurales des hauts plateaux hostiles à celui-ci. Y. NACIB, cultures oasiennes. P. 164 (il cite Dr. Shaw)..

[4] Zouilai Kaddour, des serrures et des voiles

[5] Youcef Nacib, Les cultures oasiennes, Bou Saada, essai d’histoire sociale , ENAL, 1986

[6] Mostéfa Lacheraf, des noms et des lieux, ed. Casbah, 1998

[7] La légende, difficile à vérifier, dit qu’elles sont des descendantes de vestales romaines qui y sont demeurées à la chute de l’empire romain et que la tribu Ouled Naïl a généreusement adoptées, alors que d’autres pensent qu’elles sont les descendantes de la reine de SABA, ceci étant attesté par la plume de la huppe qu’elles portent sur leur tête et leurs danses qui imitent le vol saccadé de la huppe. Les you you seraient une imitation du cri de la huppe qui fut l’oiseau qui annonça au roi Salomon l’existence du royaume de la reine de Saba ( voir Coran) . Quand les moisons sont bonnes on dit dans la région que c’est l’année de Saba peut-être en souvenir du croissant fertile ou de l’Arabie heureuse où se situait le royaume de Saba.

[8] Marion Vidal Bué, l’Algérie du Sud et ses peintres

[9] Les autres ouvrages ou recherches de grande qualité qui lui sont consacrées se retrouvent dans les références.

[10] Racim réalisa des planches d’enluminures en 1915 qui illustrent ses deux ouvrages Khadra et pèlerinage à la maison sacrée d’Allah

[11] www.meda-corpus.net

[12] F.Zahi, complainte d’une médina oasienne qui se meurt, El watan, 11/9/06

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Route de Cairouan au Château d’Abou-Taouîl (Kalaa des Beni Hammad)








Le château d’ABOU-TAOUÎL (Calâ-t-Abi-Taouîl) grande et forte place de



guerre, devint une métropole après la ruine de Cairouan. Comme les habitants de l’Ifrîkiya sont allés en foule pour s’y établir, il est maintenant un centre de commerce qui attire les caravanes de l’Irac, du Hidjaz, de l’Égypte, de la Syrie et de toutes les parties du Maghreb.



Aujourd’hui la Calât-Abi Taouîl est le siège de l’empire des Sanhadja. Ce fut dans ce château qu’Abou-Yezîd Makhled ibn Keidad se défendit contre Ismaîl [El-Mansour, le khalife fatemide







Commentaire fait par de Slane traducteur de El Bekri







C’est la Calât-Hammad ou Calâ-beni-Hammad des historiens de l’Afrique. Ce château et la ville qui en dépendait devaient toute leur importance à Hammad, fils de Bologguîn et fondateur de la dynastie hammadite. (Voy. Hist. des Berb. t. II). Il acheva de bâtir et de peupler cette métropole vers la fin du IV e siècle de l’hégire. Les historiens ne nous font pas connaître le surnom de ce prince; mais on peut supposer que c’était Abou-Taouîl. Le château s’appelait Kiyana avant d’être occupé par Hammad. La ville, dont il ne reste plus que le minaret de la grande mosquée, était située à environ sept lieues au nord-est d’El-Mecîla. L’auteur écrivait en l’an 460 de l’hégire. Dix ou douze années auparavant, le royaume



des Zîrides, autre branche de cette famille sanhadjienne, avait perdu tout son éclat par suite de la seconde invasion des Arabes hilaliens et de la chute de Cairouan.







Biskera selon El Bekri







Dans les guerres qui éclatent quelquefois entre les habitants d’origine arabe et ceux qui appartiennent à la race mixte [nés de Romains et de Berbères], les premiers appellent à leur secours les Arabes de Tehouda et de Setîf, pendant que leurs adversaires se font appuyer par les gens de Biskera et des lieux voisins. Dans le poème composé par Ahmed ibn Mohammed el-Meroudi et renfermant l’histoire d’Ismaîl [El-Mansour], fils d’Abou’l-Cacem [El-Caïm le Fatemide], on lit le passage suivant:







De Tobna on se rend à MAGGARA, grande ville, entourée d’arbres fruitiers,



de ruisseaux et de champs cultivés. Parti de là, on arrive à CALA-T-ABI TAOUÎL.



BISKERA, canton situé à quatre journées de Baghaïa, renferme un grand nombre de bourgs dont la métropole se nomme aussi Biskera. Cette grande ville possède beaucoup de dattiers, d’oliviers et d’arbres frutiers de diverses espèces. d’un fossé, et possède un djamê, plusieurs mosquées et quelques bains. Les alentours sont remplis de jardins, qui forment un bocage de six milles d’étendue. On trouve à Biskera toutes les variétés de la datte; celle que l’on nomme el-kacebba, et qui est identiquement la même que le sîhani, surpasse en bonté toutes les autres, au point d’avoir une réputation proverbiale.



Le liâri, autre espèce du même fruit, est blanc et lisse. Obeid Allah le Fatemide fit



accaparer pour son usage toutes les récoltes des lîari et donna l’ordre aux officiers qui administraient cette province d’en empêcher la vente et de les lui envoyer. On pourrait nommer beaucoup d’autres espèces auxquelles il serait impossible de rien trouver de comparable. Les faubourgs de Biskera sont situés en dehors du fossé et entourent la ville de tous les côtés. On trouve à Biskera beaucoup de savants légistes; les habitants suivent le même rite que ceux de la ville de Médine. Une des portes de Biskera s’appelle Bab el-Macbera “la porte du cimetière”; une autre, Bab el-Hammam “la porte du bain”; il y a encore une troisième porte. La population de cette ville appartient à la race mélangée [dont le sang



est moitié latin, moitié berber). Dans les environs se trouvent plusieurs fractions de tribus berbères telle que les Sedrata, les Beni Maghraoua, peuple qui obéit à la famille de Khazer, et les Beni Izmerti . La ville renferme dans son enceinte plusieurs puits d’eau douce; il y a même dans l’intérieur de la grande mosquée un puits qui ne tarit jamais. On voit aussi dans l’intérieur de la ville un jardin qu’arrose un ruisseau dérivé de la rivière. A Biskera se trouve une colline de sel d’où l’on extrait des blocs de ce minéral, gros comme des moellons à bâtir. Obeid Allah le Fatemide et ses descendants se servaient toujours du sel de Biskera pour assaisonner les mets qui paraissaient à leur table. Cette ville est désignée



quelquefois par le nom de BISKERA-T-EN-NAHÎL “Biskera des dattiers.”



















Autre route de Cairouan à Calâ-t-Abi-Taouîl (El BEKRI).







Parle-t-il de Bou Saada ?







Sorti de Cairouan, le voyageur marche pendant trois jours, à travers des villages et des lieux habités, jusqu’à OBBA. Cette ville, qui est d’une haute antiquité, fournit du safran excellent. A six milles plus loin se trouve LORBOS (Laribus), ville dont nous avons déjà fait mention. D’Obba l’on se rend au MELLAG, grande rivière qui arrose le territoire de Boll (Fahs Boll). En quittant le Mellag, on se dirige vers TAMEDÎT, ville située sur la pente escarpée d’un défilé qui sépare deux montagnes. Cette localité possède de vastes campagnes bien cultivées, dont le froment jouit d’une haute réputation. De là on se rend à TÎFACH, ville d’une



haute antiquité et remarquable par l’élévation de ses édifices. On la nomme aussi TÎFACH-ED-DHALIMA “Tifach l’injuste.” Elle possède plusieurs sources, beaucoup de terres en plein rapport, et occupe une position sur le flanc d’une montagne. On voit dans cette ville beaucoup de ruines anciennes. De là on arrive à CASR EL-IFRÎKI “le château de l’Africain,” grande ville



située sur un coteau et entourée de pâturages et de champs cultivés. Ensuite on atteint OUADI-’D-DENANÎR “la rivière des dinars,” dont les bords sont très fertiles. De là on se rend à TÎDJIS, ville antique, remplie de grands édifices, et bien pourvue d’herbes et de fourrage . TOUBOUT, la station suivante, est située sur la limite du pays des Ketama. Cette route se nomme El-Djenah el-Akhder “l’aile verte.” On arrive ensuite à TABESLEKI, petite ville située sur le flanc d’une montagne nommée ENF EN NECER “le nez de l’aigle.”







De là on se dirige vers EN-NEHRÎN, localité remplie de villages et située au milieu d’une vaste plaine. TAMESELT, la station suivante, est une ville remarquable par l’excellence de ses troupeaux et de ses céréales. De là on se rend à DEGMA, ville située sur une grande rivière et entourée de terres cultivées et de pâturages; puis à la ville de l’Etang, Medîna-t-el-Ghadîr 321 lieu où se trouvent les sources du Seher, rivière qui passe par EL-MECÎLA et qui porte aussi le nom d’El-Ouadi’r-Réïs. Plus loin nous aurons [132] encore à parler de cette rivière. Ensuite on arrive à CALA-T-ABI TAOUÎL.







Route de Calât-Abî Taouîl à la ville de Ténès







De Calâ-t-Abi Taouîl on se rend à EL-MECÎLA, grande ville située sur une rivière



appelée le SEHER. Elle eut pour fondateur Abou ’l-Cacem Ismaîl, fils d’Obeid Allah [le Fatemide], qui en posa les fondements l’an 313 (925-926 de J.-C.). Ali ibn Hamdoun, mieux connu sous le nom d’Ibn el-Andeloci , fut la personne chargée de faire construire cette ville. Simak ibn Meseaud ibn Mansour, l’aïeul d’Ali ibn Hamdoun, appartenait à la famille de Djodam [ancêtre d’une grande tribu yéménite].











Nommé par Ismaîl au gouvernement d’El-Mecîla, Ali ibn Hamdoun y passa le reste de sa vie; il fut tué pendant les troubles suscités par Abou Yezîd.



Son fils Djâfer, qui n’avait pas quitté la ville, obtint le commandement du Zab entier; puis en l’an 360 (970-971) il s’en éloigna, ainsi que nous le raconterons ailleurs.



El-Mecîla, ville située dans une plaine, est entourée de deux murailles, entre lesquelles se trouve un canal d’eau vive qui fait le tour de la place. Par le moyen de vannes on peut tirer de ce canal assez d’eau pour l’arrosement des terres. Dans la ville on voit plusieurs bazars et bains, et, à l’extérieur, un grand nombre de jardins. On y récolte du coton dont la qualité est excellente. Tout est à bas prix dans El-Mecîla; la viande surtout est très abondante. On y rencontre des scorpions dont la piqûre est mortelle.







A peu de distance s’élève une montagne (laquelle ?) habitée par des Adjiça, des Hoouara et des Beni Berzal, peuplades qui possédaient jadis le territoire de la ville.







Au sud d’El-Mecîla est un endroit nommé EL-KIBAB, « les coupoles” (on y remarque des voûtes antiques auprès desquelles sont les restes d’une ville ancienne romaine nommée BECHLÎGA.



Ces ruines sont traversées par deux rigoles d’eau douce dont les conduits sont de construction ancienne. On les appelle [en langue berbère] TARGA ’N-OUDI; ce qui veut dire “rigole de beurre fondu.”







Ahmed ibn Mohammed el-Meroudi parle [dans son poème] de l’arrivée d’Ismaîl [El-Mansour] à El-Mecîla, ville que les Fatemides nomment EL-MOHAMMEDIYA; voici en quels



termes il s’exprime:







Ensuite il vint à El-Mohammediya, ville bien- aimée, que la piété avait fondée;



Il arriva vers l’heure de midi, et par son aspect il y répandit une vive lumière.



Il campa avec son armée à El-Mecîla, dans un ordre aussi beau que parfait.



Aux alentours se voyaient les indices d’une glorieuse victoire,



Faveur insigne du Dieu tout-puissant.







Le SEHER, rivière auprès de laquelle El-Mecîla est située, a ses sources dans l’intérieur de GHADÎR OUARROU, grande et ancienne ville, entourée de montagnes. El-Ghadîr “l’étang” renferme une source dont l’eau est douce et assez abondante pour faire tourner plusieurs moulins.







On y remarque encore une autre source, et plus bas une troisième, qui coule avec bruit et qui porte le nom d’Aïn Makhled. Les eaux de ces sources se réunissent dans la ville et forment le Seher. El-Ghadîr possède un djamê et plusieurs bazars bien fournis. Toute les espèces de fruits s’y trouvent en abondance et se vendent à bas prix, ainsi que le blé et la viande. Pour un dirham (dix sous) on achète un kintar (quintal) de raisins. Les habitants de cette [région] appartiennent à la tribu des Hoouara et forment une population de soixante mille âmes.







S’agit-il de Bou Saada qui s’appelait Tarf Allah ?







A l’est d’-El-Ghadîr est un bourg très-ancien, qui porte le nom de TARFALAH. Cette localité n’a pas sa pareille dans le monde; aussi les habitants disent [par manière de proverbe]: Tarfalah est une portion (tarf) du Paradis. El-Ghadîr est située entre SOUC HAMZA et TOBNA, à deux journées de cette dernière ville.







D’El-Mecîla on se rend à la rivière DJOUZA ; puis à la ville d’ACHÎR. Mohammed ibn Youçof attribue la fondation d’Achîr à Zîri [Ibn-Menad]







Route de Fez à Cairouan







On met trois journées pour se rendre de là à TÈHERT, ville dont nous avons déjà parlé, et deux journées pour se transporter de Tèhert à TAMAGHÎLT, château construit en briques, sur le bord d’une rivière, et qui possède un bazar et un faubourg. Les habitants appartiennent à une tribu zenatienne, les Beni Demmer. On arrive ensuite à IZMAMA, forteresse renfermant un bazar, quelques caravansérails et une population composée de Louatiens et de Nefzaouiens. Plus loin, on trouve la ville de HAZ, située sur une rivière qui coule pendant la saison des pluies. Cette ville est maintenant déserte, Zirî ibn Menad le Sanhadjien en ayant expulsé les habitants. De là on se rend à BOURA, rivière qui coule [en toute saison], et dont les bords sont occupés par les Beni Irnaten, qui avaient autrefois habité la ville de Haz. Boura abonde en scorpions, et possède un petit bazar. Auprès de MOUZYA, place forte où le voyageur arrive ensuite, s’élève un château en pierre, de construction antique, nommé Casr el-Atech “le château de la soif,” autour duquel s’étend une flaque d’eau salée.







On y voit aussi une ville immense, bâtie par les anciens, et maintenant déserte . Elle est construite de l’espèce de pierre nommée el-djelîl, et s’appelle Medîna-t-er-Rommana “la ville de la grenade.” Au pied de son emplacement coulent plusieurs sources très abondantes, dont les eaux, qui sont de bonne qualité, vont atteindre El-Mecîla.







On y voit encore une autre ville antique sans habitants, et qui s’appelle en langue berbère Taourest, c’est-à-dire “la rouge”; elle est construite en pierres, et s’élève auprès d’une rivière d’eau douce.



On passe du château de Mouzya ( moudhya ? KS)à EL-MECÎLA, ville dont nous avons déjà fait mention; puis on arrive à ADENA (note : en souvenir de ADEN au Yemen d’où viendraient les Sanhadja : de Sanaa Dja : venu de Sanaa?), ville abandonnée, qui fut mise en ruines, l’an 324 (935-936 de J.-C.), par Ali ibn Hamdoun, surnommé Ibn el-Andeloci (fatémide qui construisit M'sila). Cela eut lieu à l’époque où Meicera le feta revint de son expédition en Maghreb.







Le territoire d’Adena offre un grand nombre de ruisseaux et de sources d’eau douce. On y remarque surtout l’AÏN EL-KITTAN “la fontaine du lin,” source de bonne eau, qui jaillit dans un désert et qui est ombragée par quatre dattiers. Cet endroit est à une journée d’El-Mecîla.







A l’orient [d’El-Mecîla] coule le OUEDI MAGGARA, ruisseau sur lequel se trouvent sept villages, dont celui qui porte le nom de Yekcem fournit de l’huile d’une excellente qualité.







Entre Aïn el-Kittan et Adena, on rencontre trois rivières: le Seher, le Ouadi ’n-Niça “la rivière des femmes,” et le Ouadi Abi Taouîl. On y trouve aussi une fontaine nommée Aïn el-Ghazal “la source de la gazelle.” Entre le Seher et le Niça, il y a une distance de trois milles.







Le Ouadi ’n-Niça fut ainsi nommé parce que les Hoouara, dans une de leurs courses, avaient enlevé les femmes d’Adena. Les habitants de cette ville poursuivirent les ravisseurs, et, les ayant atteints auprès de la rivière, ils délivrèrent leurs femmes, reprirent le butin et tuèrent une partie des Hoouara.







ADENA est à deux journées de Tobna, ville dont nous avons déjà parlé. Les environs [d’Adena] sont habités par les Beni Zenradj. De là on se rend au Neher el-Ghaba “la rivière de la forêt”; puis on marche pendant trois jours à travers une contrée occupée par des Arabes : des Hoouara, des Miknaça, des Kebîna et des Ouargla.



Cette région, ainsi que les pays voisins, est dominée par l’AURAS, montagne qui a une étendue de sept journées de marche; elle renferme un grand nombre de places fortes appartenant aux Hoouara et aux Miknaça, qui professent les doctrines hérétiques de la secte ibadite. Ce fut dans l’Auras qu’Abou Yezîd Makhled ibn Keidad le Zenatien et natif de Nefzaoua se révolta contre Abou ’l-Cacem, fils d’Obeid Allah le Fatemide. Elle fut aussi la demeure de la Kahena.







Le voyageur arrive ensuite à BAGHAÏA, forteresse ancienne, construite en pierre et entourée, de trois côtés, par un grand faubourg. A l’occident, on voit beaucoup de jardins et une rivière. Les caravansérails, bains et bazars sont relégués dans le faubourg; mais le djamê se trouve dans l’enceinte de la ville. Baghaïa est située au pied de l’Auras, dans une vaste plaine coupée par des ruisseaux. Ses environs sont occupés par des peuplades appartenant aux tribus des Mezata et des Dariça, qui professent les doctrines des Ibadites. Pendant l’hiver ils se tiennent dans la région des sables, où il ne tombe ni pluie, ni neige, ne voulant pas exposer aux intempéries de cette saison les jeunes chameaux qui viennent de naître. Les Berbers et les Romains s’étaient fortifiés dans Baghaïa quand Ocba ibn Nafé le Coreichite les attaqua. A la suite de plusieurs combats acharnés, la fortune se déclara contre eux; mis en déroute par le chef arabe, qui leur tua beaucoup de monde, ils se réfugièrent dans la forteresse. Le vainqueur leur enleva plusieurs chevaux, appartenant à la race que l’on élevait dans l’Auras, et qui, par leur vigueur et leur légèreté, surpassaient tout ce que les musulmans avaient encore vu dans leurs expéditions. Ocba ne jugea pas convenable de s’arrêter devant Baghaïa, ne voulant pas perdre un temps précieux qu’il pourrait employer à combattre d’autres adversaires. De nos jours, toute la population de cette ville professe les doctrines des Ibadites..



A Baghaïa, les blés se mesurent au oueïba, dont chacun contient soixante-quatre modd de la dimension autorisée par le Prophète, et équivaut à un cafîz et demi, mesure de Cordoue. Le cafîz employé pour mesurer l’huile est le même que celui de Cairouan, et contient cinq arrobes de Cordoue. Le ratl de viande équivaut à vingt ratl filfili.







De Baghaïa l’on se rend à MEDDJANA, grande ville environnée d’une muraille en briques et possédant un djamê, quelques bains et un grand nombre de mines, dont une, appelée El-Ourîtci, appartient à des Louata, et fournit de l’argent. Cette ville porte aussi le nom de Meddjana-t-el Maâden “Meddjana les mines”; elle possède un château, bâti en pierres et renfermant trois cent soixante citernes. Meddjana est habité par des Arabes; mais les environs sont habités par des Louata. Le château dont nous venons de parler porte le nom de Bichr ibn Artah. Ce chef y pénétra de vive force, et envoya le cinquième du butin à Mouça ibn Noceir, qui l’avait chargé d’emporter cette place forte.







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Notes



339 Appelé aujourd’hui Ouadi’l-Kesab “la rivière aux roseaux.”



340 Voy. p. 70, note 4. 341 Djâfer se révolta contre la dynastie fatemide et embrassa le parti des oméïades espagnols. (Voy. Hist. des Berbers, t. II, p. 5541). Le récit auquel El-Bekri renvoie ses lecteurs ne se trouve pas dans les manuscrits que nous possédons de son ouvrage.



342 “Les ruines de la ville de Bechilga, situées à environ une lieue de Mecîla, vers l’est, occupent un terrain de quinze ou seize cents mètres de longueur, et de six cents de largeur. Une inscription lapidaire, trouvée près de cet endroit, nous donne l’ancien nom de la ville: c’est le Zabi de l’Itinéraire d’Antonin.” (Voy. Revue africaine, t. II, p.324).



343 Ce fut dans cette expédition qu’El-Mansour réussit à vaincre Abou-Yezîd.



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Autre route de Basra à Fez







ASÎLA, première ville du littoral africain, à partir de l’occident, est située dans une plaine entourée de petites collines. Elle a la mer à l’ouest et au nord. Asîla, ville de construction moderne,doit son origine à un événement que nous allons raconter. Les Madjous “Normands” avaient débarqué au port deux fois…. La seconde fois qu’ils débarquèrent au port d’Asîla, leur flotte venait d’être chassée des parages de l’Andalousie par un fort coup de vent. Plusieurs de leurs navires sombrèrent à l’entrée occidentale du port, au lieu qui s’appelle encore Bab el-Madjous “la porte des païens.” Les habitants du pays s’empressèrent alors de bâtir un ribat sur l’emplacement d’Asîla, et d’y installer une garnison qui devait se renouveler régulièrement, au moyen de volontaires fournis par toutes les villes du voisinage. On y tenait une grande foire aux trois époques de l’année que l’on avait fixées pour le renouvellement de la garnison, c’est-à-dire au mois de ramadan, au 10 de dou-’l-hiddja et au 10 de moharrem….







Sur ce terrain, qui appartenait à une tribu louatienne, quelques Kotamiens bâtirent un édifice pour leur servir de djamê. Des habitants de l’Andalousie et d’autres contrées, ayant entendu parler de cet établissement, y apportèrent, aux époques déjà indiquées, diverses espèces de marchandises ety dressèrent leurs tentes. Alors on commença construire des maisons, et on finit par y former une ville.



Au sud de cette ville on trouve plusieurs tribus louatiennes et une peuplade appelée les Beni Zîad, (note: dont serait issu Tarek ibnou Zyad?) qui forme une branche de la tribu hoouarite établie à Zeloul. A l’occident habitent les Hoouara du littoral; on y voit aussi une grande caverne, située sur le bord de la mer, …. Asîla est située à l’ouest de Tanger…..







Route de Ceuta à Fez







De Ceuta à DIMNA-T-ACHÎRA, localité déjà indiquée, il y a une journée de marche. De là on se rend à l’endroit [p.223] nommé EL-KÉNIÇA “l’église,” où se trouve un village florissant qui couronne une colline 544 appartenant aux Kotama. On arrive ensuite à la rivière de MAGHAR, où se trouve un établissement appartenant aux Kotama et composé d’un beau village et d’un canton très riche en céréales et en troupeaux. Plus loin on trouve HADJER EN-NECER “le rocher de l’aigle,” résidence des Beni Mohammed [famille idrîcide]. A l’occident de ce lieu est situé le [259] canton de REHOUNA, et, à l’orient, le territoire des BENI FETERKAN,



tribu ghomaride. Au Hadjer, le chemin forme un embranchement; si l’on prend la route de droite on arrive à AFTÈS, ville appartenant à Guennoun ibn Ibrahîm, et habitée par des Kotama. Cette localité est riche et florissante; elle est située à l’ouest du Hadjer et sur le bord du LOKKOS, rivière dont nous avons déjà fait mention, et qui coule de l’est à l’ouest. Le voyageur la rencontre un peu avant d’arriver à Aftès. De là cette rivière descend jusqu’à la ville de SOUC KOTAMA, où elle prend le nom de Waw-Lokkos 545 ; puis elle arrive à TOCHOUMMÈS,546 résidence de Meimoun ibn el-Cacem [prince idrîcide]…. Ce fut de là que ce prince [idrîcide] partit, avec ses fils, pour s’emparer de Tanger et du territoire qui s’étend jusqu’à Ceuta. Zehedjouka appartient maintenant [260] aux Zerhouna. On la nommait aussi Tarf el-Agher “cap d’El-Agher,” d’où son nom moderne Trafalgar.











Notice de l’empire des Béreghouata et de leurs rois







Le récit qui va suivre provient de Zemmour, surnommé Abou-Saleh, et membre de la tribu des Béreghouata.







Tarif, aïeul des rois des Béreghouata, était fils de Chemaoun, fils de Yacoub, fils



d’Ishac. Il avait pris part aux expéditions de Meicera-t-el-Matghari, surnommé El-Hakîr “le méprisable,”585 et à celles de Maghrour ibn [p.260] Talout.586. Ce fut en souvenir de lui que l’île de Tarîf “Tarifa” reçut ce nom. Les partisans de Meicera se dispersèrent après la mort de leur chef, et Tarîf, qui, à cette époque, exerçait le pouvoir royal chez les Zenata et les Zouagha, passa dans [302] la province de Tamesna (Temsna) et y fixa son séjour. Les Berbers le prirent pour leur chef et lui confièrent le soin de les gouverner. Il mourut dans ce pays sans



avoir jamais renoncé aux pratiques de l’islamisme. L’un de ses quatre fils, le nommé Saleh, reçut des Berbers le commandement suprême. “La mort de Saleh, dit Zemmour, eut lieu précisément cent ans après celle du Prophète [Mahomet].” Dans sa jeunesse il avait combattu, à côté de son père, sous les drapeaux de Meicera-t-el-Hakîr. S’étant distingué par son savoir et par ses vertus, il se présenta aux Berbers en qualité de prophète, et leur enseigna les doctrines religieuses qu’ils professent de nos jour. Il déclarait aussi que Dieu lui avait fait parvenir un Coran, volume qu’ils lisent encore aujourd’hui. “Cet homme, dit Zemmour, est le Saleh el-Moumenîn dont Dieu a fait mention dans le Coran de Mahomet, sourate de l’interdiction.587







Ayant chargé son fils El-Yas de conserver sa doctrine, il lui enseigna les lois et les



prescriptions de la religion qu’il voulait établir. Il lui ordonna, en même temps, de ne pas publier cette doctrine avant d’avoir acquis assez de forces pour ne craindre aucun danger; il aurait non seulement à remplir le devoir de la prédication, mais aussi celui de mettre à mort tous ceux qui oseraient lui résister. [p.261] Il lui recommanda aussi de vivre en bonne intelligence avec le souverain de l’Andalousie. [303] S’étant alors mis en route pour l’Orient, il promit à ses sectateurs de revenir parmi eux quand le septième de leurs rois serait monté sur



le trône. Il déclara aussi qu’il était le Mehdi, qui doit paraître lors de la consommation des siècles, afin de combattre Ed-Deddjal “l’antechrist”; qu’il compterait au nombre de ses disciples Eïça ibn Meryam “Jésus, fils de Marie,” et qu’il devait célébrer la prière à la tête d’une congrégation dont Eïça ferait partie, enfin qu’il remplirait la terre de sa justice autant qu’elle a été remplie d’iniquité. A ce sujet il leur adressa plusieurs discours, dont il attribuait la composition à Mouça ’l-Kelîm “Moïse, qui parla avec Dieu,”588 au devin Satîh 589 et à Ibn-Abbas.590 Il ajouta que son nom, en langue arabe, était Saleh “saint”; en syriaque, Malek “possesseur”; en persan, Aalem “savant”591 ; en hébreu, Ou rabbia “monseigneur,” et en berber, Ouryawera, c’est-à-dire “celui après lequel il n’y a rien.”592 [p.262] [304] Lors du départ de Saleh, son fils El-Yas prit le commandement, et demeura, en apparence, très attaché aux devoirs de l’islamisme, la crainte et la prudence l’ayant empêché de manifester la doctrine qu’il avait reçue de son père. La pureté de ses mœurs et l’austérité de sa vie le tinrent éloigné des affaires mondaines. Il mourut après un règne de cinquante ans, et laissa plusieurs fils, dont un se nommait Younos. Celui-ci, ayant succédé au pouvoir, enseigna publiquement la nouvelle religion, et fit tuer toutes les



personnes qui refusaient de l’adopter. Emporté par le fanatisme, il dépeupla trois cent quatre-vingt-sept (387) villes, ayant passé àu fil de l’épée tous les habitants, parce qu’ils lui avaient résisté. Sept mille sept cent soixante et dix (7770)de ces récalcitrants subirent la peine de mort dans Tamellougaf, localité portant le nom d’une haute pierre qui se dressait au milieu de l’emplacement du marché. Dans une seule bataille, il tua aux Sanhadja mille.















Notes : Ghailan, de Damas, fils de Younos, affranchi copte, embrassa l’islamisme; mais, au lieu de s’en tenir à la doctrine orthodoxe, il nia la prédestination et enseigna le libre arbitre de l’homme. Une nouveauté si abominable mérita un prompt châtiment: le khalife Oméïade Hicham ibn Abd-el-Melek fit arrêter et crucifier celui qui, le premier, avait osé enseigner aux musulmans les principes de la théologie scolastique. Cette exécution eut lieu en l’an 110 de l’hégire (728-9 de J.-C.). (Kitab el-Maarif, p. 244;



Hist. litt. des Arabes, par de Hammer, en allemand, t. II, p. 152; Chehrestani, p. 32 du texte arabe imprimé; Kitab el-Mewakef, p. 333 du texte arabe imprimé.)



























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